Trois ans déjà que le jeune Président et son groupe de « marcheurs » gouvernent et réforment la France, non sans difficultés il est vrai. Avec le changement de Premier ministre, la seconde partie du quinquennat s’ouvre et l’élection présidentielle de 2022 est dans toutes les têtes. Le gouvernement rame pour endiguer la seconde vague de COVID avec une majorité parlementaire qui s’effrite tandis que l’opposition tente de se mettre en ordre de bataille.
A droite comme à gauche, on voudrait bien ressusciter le clivage traditionnel de la politique française bousculé par la présidentielle de 2017 et la présence encombrante de LREM à l’ Assemblée. Mais les choses ne sont pas si simples car la Macronie dont les partis traditionnels ont prévu (et espéré!) la dissolution pure et simple un nombre incalculable de fois, occupe le terrain et on voit mal ce qui pourrait la remplacer. Et pourtant, les choses vont mal à LREM où l’ échec des municipales n’a pas été digéré : démissions en cascade, cadres qui se déchirent, absence de stratégie pour les élections régionales, apparitions de « courants »..Et les ratés dans la gestion du COVID qui retarde la relance économique les met visiblement sur la défensive….
A droite, il y a pléthore de candidats plus ou moins déclarés à la Présidentielle (Bertrand, Pécresse, Retailleau), il y a ceux qui ne se déclarent pas (Baroin), et ceux (Estrosi) qui disent que…Macron ferait un très bon candidat après tout puisque, tout compte fait, la politique menée depuis trois ans penche à droite. Pour LR, mobiliser les électeurs risque d’être un vrai casse-tête et pour l’électeur moyen, le tournis est garanti…Certes, un retour de Sarkosy, parfois évoqué dans la médias, mettrait de l’ordre dans la boutique, mais, cela suppose qu’il ait réglé ses problèmes judiciaires. Quant à Edouard Philippe, il se repose et se tait, tout en surfant sur les sondages…
Et le PS ? Là aussi, on est plus désorienté que jamais. Pour les municipales, la stratégie d’union de la gauche adoptée par Olivier Faure qui a consisté à « coller » aux écologistes qui ont le vent en poupe en taisant les réserves que beaucoup de socialistes ont vis-à-vis de LFI, a plutôt bien marché. Mais des voix critiques, et non des moindres, se font entendre. Celle de Hollande d’abord qui s’insurge à mots couverts contre cette stratégie et insiste pour restaurer l’autonomie politique du PS comme gage de sa survie, entendez : « le PS devrait présenter un candidat au premier tour de la présidentielle ». Celle de Jospin ensuite qui, dans une interview de l’Obs début septembre, s’en prend autant à Emmanuel Macron (comme on pouvait s’y attendre!) qu’à …François Hollande, accusé d’avoir initié la liquidation du « socialisme à la française » via le CICE, la Loi El Khomri, etc. D’après Jospin, le tournant « social-liberal » du PS, c’est la faute à Hollande…Voilà une piqûre de rappel de la part de la première gauche dont Olivier Faure se serait sans doute bien passé. Pour ma part, cette sortie de Jospin me fait penser au mot du grand économiste britannique John Keynes qui peinait pour faire passer ses idées au rebours de l’orthodoxie régnante : « ce qui est difficile dans la vie, ce n’est pas d’accepter les idées nouvelles, c’est de se débarrasser des anciennes.. ! ». Effectivement, c’est dur d’accepter qu’on a changé d’époque et Jospin n’y arrive pas !
Et comme si les critiques des « anciens » ne suffisaient pas, voilà que les jeunes s’y mettent aussi. Olivier Dussopt que notre section avait invité à parler alors qu’il était jeune député socialiste de l’Ardèche est maintenant devenu Ministre des comptes publics après avoir rejoint LREM. Il vient d’expliquer dans les colonnes du Figaro que la sensibilité social-démocrate, représentée par Le Drian et lui-même, a toute sa place dans…. LREM. Et de vanter son budget avec des dépenses publiques en forte hausse et un déficit stratosphérique, loin du néo-libéralisme pur et dur. En voilà un qui est arrivé au bon moment, avec le Ségur de la santé qui prévoit (enfin!) des augmentations de salaires pour les soignants, notamment pour les infirmières hospitalières notoirement sous-payées.
Mais, au delà des déclarations et des postures des uns et des autres qui ne facilitent pas la tâche d’Olivier Faure, il faut aller au fond des choses. Ces alliés écolos derrière lesquels le PS s’est rangé pour les municipales sont-ils des alliés fiables pour la présidentielle? Rendons-leur justice. Leur message général, lutte contre le réchauffement climatique et la pollution, épuisement des ressources naturelles, croissance non carbonée, est parfaitement audible, au moins par les élites urbaines comme l’ont montré leurs excellents résultats aux municipales. Ils ont su capter les voix des habitants des centre-villes qui appartiennent aux classes les plus favorisées. A Bordeaux, Lyon ou Grenoble, les urbains diplômés, n’ont pas voté pour les candidats de la droite modérée ou de la gauche social-démocrate, mais pour des gens qui veulent améliorer la qualité de vie dans les villes.
Mais la stratégie d’union de la gauche adoptée par le PS pour les municipales tiendra-t-elle la route pour la présidentielle ? Attention, les enjeux ne sont plus les mêmes ! Tant qu’il s’agit de faire des pistes cyclables ou de servir du bio dans les cantines scolaires, la mouvance écolo est plutôt aimable et bon enfant. Mais lorsqu’on abordera les grands choix de société et surtout ceux qui ont un impact sur la croissance, l’emploi, et les dépenses publiques, ce sera une autre paire de manches. On voit mal comment le PS pourrait retrouver ses marques à la remorque du mouvement écologiste parce que celui-ci est très divisé entre deux courants au moins? Un courant, disons « réformiste », convaincu que seule une croissance plus sobre en énergie et mieux distribuée et l’innovation technique sauveront la planète ; et un pôle beaucoup plus « radical », partisan de la décroissance économique, hostile à la mondialisation, à l’Europe, et qui nourrit une méfiance quasi-pathologique vis-à-vis du progrès scientifique et technique.
Nul doute que la campagne pour l’élection présidentielle verra émerger des personnalités pour incarner ces deux courants. Yannick Jadot sera la porte-drapeau d’une écologie réformiste qui prône la voiture électrique, l’isolation des immeubles, une taxe carbone aux frontières et peut-être même l’acceptation temporaire du nucléaire (?) durant la « transition » vers une société dé-carbonée. Le second, emmené par Eric Piolle, Grégory Doucet ou un autre défendra le rationnement de la croissance et le recul de la consommation, et ira chercher des voix du côté des « anti-vaccins », des anti-nucléaire et de tous ceux qui remettent en cause systématiquement les grands projets d’infrastructures. A titre d’exemple, le nouveau Maire de Lyon s’est déjà prononcé contre le tunnel ferroviaire sous les Alpes Lyon-Turin, cofinancé par l’UE, malgré tout le bénéfice que les vallées alpines en tireront en matière de réduction de la pollution. Pas très grave, direz-vous, car le chantier est déjà commencé et financé (en partie par des fonds européens) et ce n’est pas lui qui décide. Mais quand même… !
En matière de querelles doctrinales et de mises en cause ad hominem, les verts en connaissent un bout. Peu audibles à l’occasion d’élections locales, ces querelles vont s’exacerber pour la présidentielle. Les écolos ont encore à démontrer qu’ils sont capables de choisir entre radicalité et réformisme, de passer d’un mouvement d’opposition à un parti de gouvernement. Ce n’est pas gagné ! Et que feront les militants socialistes lorsqu’il faudra faire campagne avec eux et les électeurs au moment du vote ? Orphelin de leader, obligés de prendre position sur des programmes de gouvernement dont la définition leur aura largement échappé, soutiendront-ils les uns ou les autres? Non seulement, il y aura deux candidats écologistes au premier tour de la présidentielle, mais il y aura aussi Mélenchon et sans doute le PC. Dans un pareil contexte, on voit mal comment le PS pourrait se refaire une santé à cette occasion.
Bonne rentrée !
Jean-Pierre Jallade jpjallade@club-internet.fr