Apprendre de la crise

Que peut-il y avoir de positif dans la crise cataclysmique provoquée par le COVID-19 ? Une telle question est provocatrice dans la mesure où des centaines de milliers d’humains vont y perdre la vie, des milliards d’autres en souffriront des conséquences économiques et que l’on peut s’attendre au retour de famines.

Soudainement on découvre la science et ses balbutiements. Des millions de français subissent jour après jour un cours de biologie, un cours d’économie, de sociologie accélérée.  Qu’est-ce qu’un virus, un test PCR , la sérologie, les réactions immunitaires, les cytokines… ? L’interdépendance des métiers, des industries, de la logistique, de la production de nourriture. Décrire un virus, une technique, un métier, … , ne posent que des problèmes de pédagogie, de mots savants qu’il faut expliquer. On est sur un « savoir » sûr de lui-même, que le public apprend à force d’en entendre parler à la radio, à la télévision ou dans les journaux.

Seulement, les choses se compliquent s’il s’agit de décrire une maladie. On découvre combien la maladie est une affaire complexe. Lorsque la maladie est nouvelle, on réalise ce que veut dire ne pas tout comprendre. Les discussions sur le nombre de personnes infectées, sur le nombre de morts dans un pays montrent combien une mesure qui paraît simple à première vue, est en réalité complexe. On assiste en accéléré et en direct au progrès de la compréhension d’un phénomène par des scientifiques, ces progrès sont balbutiants, contradictoires, puis petit à petit une représentation cohérente émerge du bruit confus de myriades d’informations. On peut être confiant, au vu des efforts considérables jetés dans la bataille, nous allons peu à peu dompter cette maladie.

En quelques mois, le public assiste comme en Science, à l’émergence d’une question puis à sa résolution progressive mais partielle. Chaque avancée génère de nouvelles interrogations.

Il est une méthode assez courante en Science que de « frapper » le système que l’on étudie. On observe comment les fourmis reconstruisent leur fourmilière dérangée par un coup de pied, comment un objet reprend sa forme après un choc. De fait ce type d’expérimentation nous renseigne sur l’objet où le système tel qu’il est « à l’équilibre ». Aujourd’hui, l’objet c’est notre monde globalisé, le choc c’est le COVID-19. On découvre quels sont les métiers essentiels à chaque instant, on réalise suivant les métiers la variabilité des dommages une interruption d’activité. Cette prise de conscience à tous les niveaux va être utilisée à réorganiser le fonctionnement de notre société. Déjà, on observe l’amplification de phénomènes qui ont précédé la crise. Le télétravail, les achats en ligne s’imposent à un niveau tel qu’il fait peu de doute qu’ils perdureront après la crise. De même, qu’il est probable que bien des commerces concurrencés par l’informatique vont continuer à péricliter. Comment évoluera le tourisme? Des centaines de millions d’humains continueront-ils à parcourir la planète pendant leurs vacances? S’ils ne le font plus ce sera bien pour la production de CO2 pas pour le développement de bien de « pays du Sud ».

Créer un chaos temporaire, est une méthode managériale parfois utilisée pour réformer une entreprise. Pourrons-nous profiter du chaos créé par le virus pour réformer la société ? La difficulté majeure réside dans l’interdépendance entre les pays. Or, si on peut espérer que par le jeu des représentations politiques, on puisse atteindre un relatif consensus ou du moins une majorité politique en faveur d’une réforme donnée. Il est peu probable que ce consensus sorte des frontières nationales et encore moins du continent. Comme tous les pays sont frappés directement ou indirectement par cette pandémie, une réforme des relations entre les peuples en sortira.

De mon point de vue, il faut avoir des objectifs ciblés à la mesure de notre souveraineté municipale, régionale ou nationale. Plus que jamais nous devons déléguer une part de souveraineté à la construction européenne. Ce n’est que dans une Europe où la France ne « pèse » qu’un cinquième des habitants qu’il sera possible de résister aux mastodontes chinois et américains, ainsi qu’aux autres tigres qui nous entourent. Cela signifie que nous devrons faire des compromis.

Olivier Bensaude

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