Les radars mobiles embarqués, un sujet de polémiques et de désinformation

Claude  Tarrière, membre de l’APIVIR

(Association Pour Interdire les Véhicules Inutilement Rapides)

Quels sont les enjeux de Sécurité Routière en ce début de quinquennat ? Nous venons de connaître 10 années très contrastées.  2002-2007  une période  de volontarisme politique sous la présidence Chirac qui décida de faire de la sécurité routière une grande Cause Nationale avec succès : le nombre des tués de la route est réduit de 8.000 à 4.200 grâce aux radars.  2007-2012 nouvelle présidence, une grande ambition annoncée : moins de 3.000 tués pour la fin 2012 mais le but ne sera pas atteint faute de recourir à de nouvelles mesures pour affirmer une réelle détermination. Faute aussi d’avoir laissé croire aux automobilistes que, sous la présidence Sarkozy, prévaudrait une plus grande compréhension.  Ce sont les assouplissements du permis à points voulus et obtenus par la droite dite  »populaire » de l’UMP.

Sous la présidence Hollande, l’ambition est toujours là. Manuel Valls annonce un objectif de réduction à 2.000 tués à l’horizon 2020. Cet objectif ne peut-être atteint qu’en ayant recours à de nouvelles mesures. Et c’est l’annonce de la mise en service des radars mobiles embarqués à bord de véhicules  banalisés.

Si cette décision est appliquée, que ce nouvel outil est suffisamment déployé sur toutes nos routes et en particulier sur les routes de campagne où se produisent les accidents meurtriers les plus fréquents, les effets seront vite favorables. Encore faut-il que les opposants à cette politique ne viennent pas, de manière démagogique, faire prévaloir leur choix personnel du plaisir de la vitesse sur l’intérêt de la majorité des français qui veut voir sauver encore plus de vies et de blessés sur la route.

 

Je m’exprime ici pour vous faire partager mon souci de contrecarrer une entreprise de DESINFORMATION actuellement en cours pour s’opposer à la volonté du gouvernement de rendre sa lutte contre l’insécurité routière encore plus efficace. Ma réflexion, ci-dessous, puise dans les données accumulées par les experts et amis avec qui je travaille depuis parfois plusieurs décennies.

 

Permis à points, radars et mortalité routière

Le permis à points, créé en France en 1992, n’a pas à lui seul réduit de façon sensible la mortalité routière dans la décennie qui suivit sa création. Il a fallu attendre 2002, la suppression des indulgences et la réduction des tolérances sur les petits excès de vitesse, puis l’introduction des radars pour prendre la mesure des gains en vies humaines produites par cet outil (Figure 1).

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Figure 1: Évolution comparée de la mortalité routière  et des infractions avec retraits de points entre 1992 et 2009

 

 

 

On observe que dès 2007-2008 l’efficacité de l’outil s’émousse. Comme si l’absence de mesures nouvelles en début de quinquennat laissait entendre un fléchissement de la volonté politique en dépit de l’affirmation d’un objectif ambitieux « moins de 3.000 tués annuels en 2012 ».

Cet objectif représenté en bleu sur la Figure 2 (page suivante) n’a pas été atteint. Le décrochage s’accuse entre 2009 et 2011 avec l’offensive des députés de la  »droite populaire » qui réclament et obtiennent un assouplissement du permis à points et contestent la suppression programmée des panneaux indicateurs des radars fixes.

 

Résultat : la réduction des tués passe de – 10,4 % à – 4,7 % de l’ère Chirac à celle de Sarkozy. Et on observe que la réduction n’est plus que de – 2,3 % par an entre juin 2009 et juillet 2011.

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Figure 2: L’objectif  de moins de 3.000 tués fin 2012 n’a pas été atteint

 


Mars 2013 : nous sommes dans l’ère Hollande. Le ministre de l’intérieur en fixant l’objectif d’une réduction des tués annuels à 2.000 en 2020, ne fait que reprendre à son compte pour la France celui de Bruxelles pour l’Europe. Une échéance de 2017 aurait été plus courageuse. Quoi qu’il en soit une nouvelle rupture, équivalente à celle de 2012, est nécessaire. Elle ne sera pas obtenue sans des mesures mobilisatrices.

La mise en place annoncée des radars mobiles embarqués à bord de voitures banalisées serait l’outil approprié. Contraignant certes mais très efficace. Encore faut-il que l’exécutif ne renonce pas et résiste aux lobbies du laisser-faire. Nous citoyens défenseurs de l’intérêt général et très décidés à sauver de plus en plus de vies sur les routes, nous devons dénoncer toutes les campagnes de désinformation déjà à l’œuvre.

L’une d’elle, particulièrement bien ficelée et donc très dangereuse, est celle de la Ligue des Conducteurs a pour titre « Alertes aux radars » (contre les radars mobiles embarqués à bord de voitures banalisées). Je vous suggère d’accéder au site de la « ligue des conducteurs » pour prendre connaissance de cette désinformation peu soucieuse de respecter la vérité des faits. Il est vrai la vie sera plus difficile pour cette catégorie de conducteurs qui n’a jamais admis d’avoir à respecter quelque limitation de vitesse que ce soit, au prétexte qu’ils sont  » d’excellents pilotes  » !!

 

 

Aux autres, au plus grand nombre capable d’entendre, nous disons :

– ou bien vous ne respectez les limitations de vitesse qu’à minima, en essayant d’accélérer dès que vous pensez échapper au risque d’être  »chopés », après le passage du radar fixe par exemple, et vous avez un peu plus de soucis à vous faire.

– ou bien vous êtes convaincus, trop souvent parce que vous avez à déplorer quelques victimes de la route autour de vous, convaincus de la nécessité de réduire encore le nombre annuel des tués – en pensant notamment aux jeunes de 18 à 24 ans, ce segment de population toujours le plus touché (Alors qu’ils représentent 9% de la population, les 18-24 ans représentent 21% des décès sur la route. Les 18-24 ans appartiennent à la classe d’âge à plus haut risque avec un risque supérieur de 2,5 par rapport à la moyenne) – et vous souhaitez une conduite cool, respectueuse des règles communes de la circulation et vous ne redouterez pas un risque accru de pertes de vos points. Sachez qu’environ 75 % des français ont toujours les 12 points du permis. Après en avoir perdus 1 ou 2 par inattention, ils les ont vite depuis récupérés.

 

Quelques mots sur le soi-disant  »racket des radars » : le total des 641 millions d’euros des recettes radars doit être comparé au coût total des accidents de la route : 23 milliards d’euros en 2011 ! Les recettes par radars viennent trop petitement réduire la facture de nos impôts. Voilà la vérité !


 

Les accidents de la route coûtent  

23 milliards d’euros par an à la société dont

13,7 milliards pour les accidents matériels (dégâts matériels compris) :

9,3 milliards pour les victimes : 5 milliards pour les personnes tuées (3963), et 4,3 milliards pour les blessés : (81251 blessés)

soit  1,2 % du PIB de la France en 2011

                                                     


Autre discours entendu : les forces de l’ordre ne seraient-elles pas plus utilement employées à lutter contre toutes les criminalités qu’à contrôler le trafic routier ?

Cette question a du sens. Et pourquoi pas, éventuellement, faire réaliser les contrôles par des gendarmes et des policiers retraités, encadrant des sous-traitants. Un autre aspect doit être évoqué : compte tenu du coût d’un véhicule équipé d’un radar ce serait du gâchis que de le garder au parking tout un mois. D’où l’idée d’exiger, des forces de l’ordre, un rapport mensuel départemental pour valider  un usage minimal raisonnable du dit véhicule.

Alors si voulez l’amélioration de la sécurité sur nos routes, luttez avec nous contre la désinformation. Si vous avez déjà répondu à l’injonction de diffuser le message de cette funeste Ligue, il n’est pas trop tard de réagir en faisant largement connaître notre réponse.

Il nous reste enfin à espérer que le gouvernement assure lui même ce devoir de

lutte contre la désinformation.

 

Mieux, qu’il décide enfin de prendre les mesures permettant la mise en œuvre du  LAVIA (Limiteur s’Adaptant à la Vitesse Autorisée du Véhicule) ; la seule motivation de ceux qui s’opposent à ce dispositif est de ne pas avoir la possibilité du non respect des limitations de vitesse.

 

Proposition n°11 du  »Groupe de 9 » pour la Sécurité Routière  (experts qui interviennent lors de chaque élection présidentielle en demandant à tous les candidats de se prononcer sur leurs propositions) :

« reprendre immédiatement le dossier concernant la mise en œuvre du LAVIA en négociant avec les constructeurs le calendrier de la disponibilité des différentes formes du dispositif. Conjointement organiser deux possibilités :

–  L’usage volontaire en favorisant son développement. Un accord avec des assureurs permettrait de documenter l’accidentalité des usagers équipés du LAVIA. Une réduction de leur prime pourrait être déterminée en fonction de la réduction observée statistiquement du coût des dommages produits.

– L’usage contraint en tant que peine complémentaire, permettant à des récidivistes de l’excès de vitesse de conserver leur emploi si ce dernier implique l’usage d’un véhicule. »


 

Le jour où le LAVIA entrera en fonction de manière généralisée, les radars disparaîtront. Fini les radars, fini les polémiques !

 

 

Coup d’œil  sur l’évolution de l’insécurité routière sur 4 décennies Une mortalité réduite de 18.000 à 4.000 tués en 38 ans.

 

Il aura fallu quatre décennies pour que l’insécurité routière soit très fortement réduite en France. Longtemps considéré comme un cancre en comparaison de pays comme le Royaume Uni ou la Suède par exemple, l’Hexagone s’est soudain distingué, c’était en 1973, en décidant de mesures très efficaces, bien que longtemps contestées :

 

– le port obligatoire de la ceinture (2ème pays au monde à l’imposer) à partir de 13 ans et, un peu plus tard il est vrai, celui des systèmes de retenue des enfants.

– la limitation généralisée des vitesses de circulation (d’abord sur routes, puis sur autoroutes (1974) et en agglomérations (1990).

Parce que ces mesures ont été introduites simultanément l’efficacité de chacune d’elle fut longtemps un grand sujet de discussion. Et en 2013, nous entendons encore des propos contestant le trop faible niveau des limitations des vitesses  alors que ce n’est heureusement plus le cas pour le port des systèmes de retenue. Il est important de montrer aux français les résultats des efforts consentis.

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Figure 3 : Les deux ruptures

 

 

La Figure 3 montre que le passage de 18.000 tués sur nos routes en 1973 à 4.000 en 2011 a connu deux ruptures liées à des décisions politiques exemplaires.  Celle de 1973 décrite plus haut, a été instruite par le gouvernement de Jacques Chaban Delmas et mise en œuvre par le gouvernement de Pierre Messmer.  Celle de 2002 a été décidée  par Jacques Chirac quand il fait de la sécurité routière une « grande cause nationale ».

Le succès de 2002 s’explique par une application plus rigoureuse de la réglementation :

les indulgences ont été supprimées, la tolérance sur les excès de vitesse réduite à 5 km/h, le contrôle automatisé a été mis en place. L’ensemble a donné toute son efficacité au permis à points mis en place en 1992, en agissant sur tous les conducteurs et pas seulement sur les plus déviants.

Les mesures adoptées ont produit une réduction de la vitesse de circulation (Figure 4) : les modèles retenus par la communauté des accidentologistes ont été une nouvelle fois validés, à savoir, une réduction de la mortalité proche de 4 % pour une réduction de 1% de la vitesse moyenne.

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Figure 4 : Réduction de 10 % de la vitesse moyenne des voitures après 2002.

 


Insistons sur le fait que cette vitesse moyenne est celle obtenue sur tous les réseaux confondus : elle résulte de tous nos changements de comportement au volant sur les routes départementales où se produisent le plus grand nombre d’accidents mortels, mais aussi sur les routes nationales, en agglomérations, et sur les autoroutes plus sûres au kilomètre parcouru mais qui supportent un trafic très élevé. Autoroutes où l’on a observé l’effet évident des réductions de vitesse en 1973 et 1974 (Figure 4.2).

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–                   D’autres facteurs d’insécurité routière ont été modifiés indirectement par la réduction de la vitesse : la proportion d’accidents avec alcool n’a pas été réduite, mais leur fréquence et leur gravité a diminué. Même constat pour les déficits d’attention et de vigilance.



–                   L’interaction entre les éléments du système intervient également au niveau des véhicules et de l’infrastructure. Les vitesses de circulation et de collision plus basses rendent plus efficaces les améliorations des véhicules et des routes, notamment leur sécurité secondaire, celle qui consiste en réduction des blessures graves et mortelles.

Une étude publiée par les constructeurs français d’automobiles a évalué la contribution des améliorations apportées aux véhicules pendant la dernière décennie dans les progrès obtenus de la sécurité globale. Cette contribution est de 11%. Elle ne peut que croître au fur et à mesure de l’équipement de la quasi totalité du parc circulant avec les technologies les plus récentes (correcteurs de trajectoires par exemple).

 

 

Conclusion :

     Les constats effectués permettent de conclure que les succès majeurs observés dans le domaine de la sécurité routière depuis 1972 ont été produits principalement par l’action sur la vitesse de circulation. Elle a potentialisé les autres facteurs d’amélioration de la sécurité (véhicules, infrastructure) et réduit les facteurs sur lesquels nous n’avons pas eu d’action efficace directe (conduite sous l’influence de l’alcool et des drogues, troubles de la vigilance et de l’attention). Si ces informations vous ont intéressés et convaincus faîtes-les circuler autour de vous. Faîtes que la désinformation ne puisse l’emporter. Il y a encore tant de vies à sauver.

 

 

 

 

 

 

 

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