État des lieux sur la privatisation de La Poste, par Dominique MILLÉCAMPS

La consultation de quelque 2,2 millions de personnes qui, à 90 %, ont refusé la privatisation, n’y a rien fait. La demande d’un referendum populaire organisé par le gouvernement n’a pas plus été suivie d’effets. La privatisation des services postaux avance à marche forcée.

En prévision de l’arrivée de concurrents, La Poste a amorcé une recherche effrénée de rentabilité, faite essentiellement aux dépends de l’emploi, 50 % des départs en retraite n’étant pas compensés, selon la logique de la RGPP (Révision Générale des Politiques Publiques). Ainsi, en 3 ans, le personnel de l’entreprise est passé de 320 000 à 290 000 agents, dont il reste un peu plus 100 000 fonctionnaires, le reste étant des contractuels bien souvent en CDD, voire des intérimaires, moyen que La Poste à trouvé pour éviter de se retrouver fréquemment devant les Prud’hommes pour non respect du code du travail, suite à des litanies de CDD pour une même personne taillable et corvéable à merci.

L’une des conséquences de cette diminution d’emploi est, pour les facteurs, qu’il n’existe aucun volant de remplacement pour les tournées qui ne peuvent être assurées par leur titulaire, d’où une dégradation de la distribution du courrier.

Mais il n’y pas que l’emploi. Il y a aussi une chasse aux dépenses, la revente du patrimoine immobilier, une diminution drastique du budget social, l’abandon progressif de secteurs non rentables, la fermeture des bureaux de poste en zone rurale… À titre d’exemple, on met peu à peu en place des distributeurs automatiques de colis, extérieurs aux bureaux de Poste et sans intervention d’un employé. Dans les bureaux de poste, des « automates » remplacent de plus en plus les guichetiers.

Depuis quelques années, après la séparation entre les Télécoms (devenus France Télécom) et la Poste, on a assisté à une séparation entre branches : courrier, colis, services financiers, réseaux des bureaux de Poste. La logique de cette séparation est avant tout économique. Il ne faudrait pas, par exemple, que le déficit dans le domaine du courrier puisse être compensé par les excédents des services financiers.

Mais le courrier pourrait ne pas être déficitaire s’il n’y avait pas distorsion de concurrence (la mise en concurrence totale du courrier est effective depuis le 1er janvier 2011). En effet, La Poste subit seule une obligation de service public (appelé service universel par l’UE) qui l’oblige à délivrer le courrier sur toute l’étendue du territoire et 6 jours sur 7, obligation que n’ont pas les autres opérateurs. La Poste a également une obligation couteuse pour son budget, la distribution de la presse, ce qui amène à prolonger les horaires de travail des facteurs qui distribuent la presse du soir.

Dans les bureaux de poste, on fait une nette distinction entre d’une part la revente de produits courrier, le parent pauvre avec parfois un ordinateur pour 2 salariés, souvent debout pendant la totalité de leurs heures de service, d’autre part ceux qui gèrent les produits financiers, bénéficiant de conditions de travail plus favorables. Et pas de possibilité de renforcer l’un ou l’autre guichet dans le cas de longues files d’attente, les métiers n’étant pas interchangeables.

Avant l’arrivée de concurrents, peu nombreux pour l’instant, essentiellement des entreprises de messagerie dédiées aux professionnels, il est nécessaire de chasser au maximum les dépenses inutiles pour permettre à La Poste de rester la plus compétitive et pour cela, toute la chaine managériale a été mise à contribution pour que le personnel donne « le meilleur de lui-même ».

Cette logique mise en place depuis 2009 a trouvé un premier aboutissement le 29 mars 2011, avec une journée nationale de mobilisation appelée par 7 organisations syndicales, qui a rassemblé 30 % du personnel (chiffres officiels à relativiser ; dans mon service, 80 % du personnel a interrompu le travail), dénonçant la dégradation des conditions de travail. Le mal-être du personnel a été dénoncé en mai 2010 par le Syndicat professionnel des médecins de prévention de La Poste, dans une lettre adressée à Jean-Paul Bailly, président du groupe, mettant en garde contre « des suicides ou tentatives de suicide qui surviennent dans toutes les régions, tous les métiers et aux différents niveaux de l’entreprise ». Presque un an après ce courrier, rien n’a été fait à l’exception d’une promesse d’embauche de quelque 4 000 personnes, dont 2 500 stagiaires en alternance !

Quand bien même la privatisation serait inéluctable, ne peut-on le faire de manière plus humaine ? Être postier était une fierté il y a encore peu de temps, notamment les facteurs en zone rurale qui rendaient souvent des petits services aux personnes retenues à domicile pour différentes raisons. La Poste n’a rien à gagner dans un personnel fragilisé, n’étant plus à même d’assurer le service public qui a fait sa réputation. Elle n’a pas retenu les leçons des suicides à France Télécom ayant défrayé la chronique.

Dominique Millécamps, militante de la section de Rueil-Malmaison

dominique.millecamps@wanadoo.fr

Tribune libre du bulletin « Ensemble » des socialistes de Rueil-Malmaison

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